Box de Démesure.

Je fis le nœud habituel que tous cavalier qui se respecte se doit de savoir faire en fermant les yeux puis attrapai mon sac du bout des doigts. L'étalon était occupé par la sortie d'une magnifique jument alezane. Renâclant, il tentait d'attirer son attention, mais la princesse aux yeux de braise et a la robe rousse se pavanait avec prestance, concentrée sur son ballet silencieux. Je souris de cette situation et d'un appel de langue appelait le beau pie. Il tourna sa tête bicolore vers moi et m'observa avec dédain. Je ris de son air décontenancé et saisis mon étrille en plastique. Je la tapai contre la barre d'attache avant de la poser sur la croupe du mâle. Je me mis aussitôt à faire de grands gestes circulaires. Le cheval n'était pas trop sale, juste poussiéreux de vivre au box. Je toussai, ayant avalé de la poussière et lui lançai en riant :

« La vie n'a pas de prix. »
→ Découverte, dimanche quatre.



Oui, je sais, j'étais incorrigible. Je ne pouvais pas arrêter de m'acheter des chevaux, je n'en avais jamais assez, j'avais beaucoup trop de coup de coeur. Mais ce cheval, ce magnifique cheval. Comme il était beau, comme il avait l'air puissant... J'étais dans la voiture de ma mère, comme la veille alors que j'allais acheté ma jument Cola-Cao. J'avais peu d'informations sur ce Paint Horse. Je savais qu'il était pie noir, que c'était un bon cheval de dressage. Je n'avais vu qu'une seule photo de lui, mais ça m'avait largement suffit à me convaincre.

Ma mère arrêta la voiture, éteignant le GPS pour m'annoncer que nous étions arrivés. J'ouvris les yeux, j'avais du m'endormir pendant ces vingts minutes de voiture. Je souris à ma mère, beaucoup moins stressée que les autres jours. Je sortis de la voiture péniblement, et regardai autour de moi. Je me dirigeai vers une écurie bien entretenue, qui m'avait l'air charmante. Je poussai la porte, et sortis un « il y a quelqu'un ? ». Je fus accueilli par un hennissement. Je me dirigeai vers ce bruit, espérant que c'était ce beau Paint Horse qui me fascinait tant. Mais je fus bien déçue, découvrant un petit shetland alezan haut comme trois pommes. Je me retournai, voulant sortir de l'écurie. Une personne était devant moi, et me fis un charmant sourire. La dame était sur son trente-et-un, elle avait regroupé ses cheveux en un magnifique chignon. Elle me montrait la direction, pour que je voie le bel étalon. Je poussai la porte de la stabulation, et découvrit une magnifique bête. Un grand cheval aux yeux bleus. « Il s'appelle Démesure. Il a sept ans, et c'est comme tu le sais un Paint Horse. C'est un très bon cheval de dressage, il a aussi fait quelques balades. Il appartenait à mon fils... qui est partit faire ses études je ne sais où. Enfin bref. Je le cède à 700 euros, il manque beaucoup d'entraînement et n'est pas du plus agréable. ». Tout en l'écoutant parler je m'approchai de l'incroyable étalon. Je caressai son chanfrein, avant de me faire violemment éjecter par un signe de tête. Je regardai la jeune dame, qui haussait les épaules, et tournât les talons. En effet, il était loin d'être agréable, mais il était magnifique.

Je lui passai un licol, bien qu'ayant du mal à l'approcher. C'était un beau licol en cuir qui traînait sur le sol, il portait son nom, Démesure. Je bouclai rapidement la chose et pris la longe dans ma main droite. Je le sortis de son box, laissant ma mère admirer mon futur cheval. Mais ce dernier montrait de l'agacement à quitter son territoire... Il allait faire la belle paire avec Caliméro et Cola-Cao ce tâcheté ! Je ris, le voyant chasser des mouches inexistantes. « Tu as payé ? ». Ma mère hocha la tête, et nous prîmes tranquillement le chemin de la voiture.

« La balade des jours heureux. »



« Sérieux, on t'a déjà dit que tu étais beau ? Non mais tu es carrément incroyable. D'un côté, tu as trois quart de noir, et quelques tâches de blanc, et de l'autre côté, c'est l'inverse. Surtout au niveau de ta tête, de ta tête de paint horse à croquer. Franchement, tu n'as qu'un défaut... Bon tu ressembles à une vache, mais ce n'est pas un défaut, c'est juste que tu es méchant, brutal, enfin ; tout ce qu'il ne faut pas ? »

Je m'approchai de son box, gardant tout de même mes distances avec le beau tacheté, mon ying, mon yang. Je passai ma main par la porte du box, et attendis qu'il vienne vers moi, non pour me mordre, mas pour me sentir me découvrir. Je fus rapidement déçue, voyant qu'il ne me montrai que ses fesses. C'était vexant, très vexant. Je haussai les épaules et pris le loquet, que je poussai le plus calmement possible pour éviter de le faire grincer. Une fois ouvert, je donnai un coup de pied contre la molette en bas, et ouvris la porte. Je découvris l'imposante croupe du paint-horse, qui me faisait face. Je posai une main sur la hanche, une autre près de sa tête et lui demandai de se tourner. Démesure me fit face, et coucha ses oreilles en arrière. J'essayai de faire de même, et finis par rigoler, voyant que c'était carrément impossible. Je passai la main par dessus les barreaux, et attrapai un des deux licols qui lui appartenait. C'était son licol en cuire, gravé en son nom ; celui que j'avais passé pour la première fois sur sa fine tête d'ange. Je l'ouvris, et le passai sur sa tête, je finis par le fermer au dessus de ses oreilles.

Je le sortis de son box, et attachai la longe à un des anneaux d'attache. Dehors, le soleil était d'actualité, ce qui me permettait de le sortir un petit peu aujourd'hui. Je ne l'avais encore jamais monté, une balade suffirait sans doute à apprendre à le connaître. Je me dirigeai vers la sellerie de l'écurie intérieure, où je pris mon sac à brosses. Je le posai aux pieds de l'étalon, et m'approchai de lui, jusqu'à me coller à son encore. Ce dernier essaya de se débattre, n'étant pas le moins du monde attaché à moi. Je m'écartai, et me baisser pour prendre le bouchon, et débuter son long pansage. Je pris une étrille en caoutchouc, pour éviter de le chatouiller de trop, et commençai à l'étriller soigneusement. Démesure essayait tant bien que mal de fouetter avec sa queue, de botter, ou encore de se retourner et de me mordre les fesses. Comment allait-il comprendre que j'étais invisible ? Le voyant se gesticuler dans touts les sens, je ris un bon coup, et passai ma main sur sa queue pour le retenir de botter. Je me faufilai rapidement de l'autre côté de l'étalon, le côté « noir ». Je dessinai de longs mouvements circulaires sur la toute nouvelle robe de l'étalon. Je n'avais pas énormément la chance de venir le voir ces temps ci, mais je savais qu'Etoly venait parfois le voir, même si elle était absente ces deniers temps. Je finissais par passer la brosse, et passai par dessous son encolure pour prendre un bouchon et conclure le pansage.

« Sinon, tu savais que tu allais être papa ? Papa de deux poulains en plus, oui, car Jamie Lee va sûrement avoir des poulains, si ça ce n'est pas une bonne nouvelle... J'espère juste qu'ils ne vont pas hériter de ton caractère ! »

Je ris, et repris mon sac de brosse, que je déposai dans un coin de la sellerie. Je me penchai, et en enlevai seulement un peigne, qui allait bien me servir, ainsi qu'une brosse, une paire d'élastique et une éponge. J'aimais faire des tresses à mes chevaux, c'était vitale pour moi ! Je plaçai un tabouret à ses côtés, ne voulant pas non plus m'approcher trop de lui. Il était chiant, et n'aimait pas ma compagnie, il me le faisait volontiers savoir. Je partis vers l'écurie une nouvelle fois et humidifiai mon éponge pour pouvoir mouiller les crins de Démesure. Je me replaçai à ses côtés, et passai l'éponge sur sa crinière, insistant sur toutes les longueurs. Il n'avait pas la crinière très épaisse, les crins étaient lisses, je pouvais facilement faire un tressage en filet. Je posai l'éponge contre le rebord du mur, et sortis mon torchon. Je frictionnai les crains, les séchant pour éviter qu'ils ne glissent. Je séparai maintenant plusieurs mèches ensemble, faisant un nombre impair. Pour l'instant ça ne ressemblait pas à grande chose, mais ça allait venir. Je pris les deux premières mèches, et les nouai ensemble. Je pris un élastique, et fermai le premier tressage. Je fis pareil avec les autres mèches, et ainsi de suite, jusqu'à obtenir un merveilleux damier. Contente du résultat, je pris tout mon matériel, et allai le reposer dans la sellerie.

Il ne me restait plus qu'à prendre son équipement, et l'arnacher. Malheureusement, une immense vague de flemme m'envahit. Je ne voulais pas faire ma balade seule. Je pris mon téléphone, et cherchai Rhéa dans mes contacts. J'allais faire ma balade avec elle, c'était décidé. Je me présentai, et lui proposai rapidement de faire un tour à la plage. Nous avions rendez vous dans vingts minutes au haras de pado. Je pris la selle, ainsi que le filet de l'étalon, un tapis, un amortisseur et une moumoute de filet. Je posai le tapis et l'amortisseur sur le dos du cheval, c'était un tapis noir avec un amortisseur en mouton rouge. Je mis la selle par dessus, et rattrapai la sangle qui traîné par terre. Je serrai le gros boudin, et finis par détacher le licol pour mettre le filet à l'étalon. Ce dernier essaya de me mordre, et se reçu une claque sur le bout du nez. J'espérai sincèrement que ces habitudes allaient lui passer. Je passai un de mes doigts dans sa bouche et passai la têtière par dessus ses oreilles. Il ne me restait qu'une touche finale pour qu'il soit magnifique : le damier sur la croupe. Je me dirigeai vers la sellerie, juste après avoir rattaché Démesure. Je pris mon pochoir en forme de cœur, ainsi que mon étrille. Je posai le tout sur la croupe, et brosse à contre poil, contente du résultat.



( balade )

La balade s'était agréablement bien passée, j'étais même étonnée du comportement de Démesure en selle. Il ne fuyait pas mes jambes, ni mes mains, c'était comme un cheval... parfait une fois dessus. Je détestais carrément le préparer à pieds, sauf éventuellement lui faire des tresses, moment que j'adorais. Je l'arrêtai à l'intérieur de l'écurie, et ouvris son box. J'avais énormément la flemme de m'en occuper, j'étais épuisée. J'enlevai tout son équipement, détachai ses nattes, et quittai le box.

« Desolation road. »
→ vendredi 22 juin.



Cette journée débutait plutôt bien. Ma séance auprès de Facturing s'était plutôt bien passée, je voulais maintenant aller voir mon petit Paint Horse, Démesure. Je ne me lassai jamais de découvrir de nouvelles choses sur lui, j'étais toujours en quête d'indice sur sa robe ou sur son caractère... j'étais folle de lui. Je continuais de penser que l'acheter n'avait pas été une erreur, quand je voyais tout ce qu'il m'offrait. De si belles balades au bord de la mer, malgré quelques moments de batailles. Je me dirigeai alors vers son box, l'air joyeux. J'avais retrouvé plaisir à m'occuper de mes chevaux, ça me faisait un bien fou, un bien inimaginable.

J'arrivai enfin à hauteur de son box. C'était l'un des premiers, il avait d'ailleurs eu Nobody comme voisin juste avant que je les sépare. Démesure n'était pas un bon cheval de compagnie, c'était plutôt le genre de cheval qui aimait énormément rester seul. Il tolérait cependant la compagnie des humains, à un certain degré. Je me rapprochai un peu plus de lui et esquivai rapidement un de ses coups de dents. Je le connaissais trop bien pour tomber dans le panneau. Je repensai rapidement à son ancien propriétaire qui ne s'occupait plus de lui, comment pouvions nous faire ça ? Je poussai rapidement le loquet du box, et me faufilai à ses côtés. Il posa sa tête contre ma hanche, et ferma doucement ses yeux. Je le voyais se transformer de plus en plus, il devenait un cheval agréable à vivre, enfin. Je n'avais pas prévu de le travailler aujourd'hui, juste de lui procurer quelques moments de bonheur. Je déposai rapidement un baiser sur son garrot, et passai mes mains dans ses crins emmêlés. J'étais contente d'être venue au haras malgré cette chaleur étouffante qui m'empêchait de travailler mes chevaux aujourd'hui. La chaleur me tuait, je ne la supportait pas, bien que l'été soit ma saison préférée.

Je ressortis du box et me dirigeai vers la sellerie pour y prendre le matériel nécessaire pour un bon pansage dans le box. Je sélectionnai des brosses, sans choisir les plus belles. J'attrapai vivement un des licols entre crochés sur un petit clou à l'entrée, et repris la direction du box en bois. Démesure allait aimer, je le sentais. Je me remis à côté de son épaule et entrepris un brossage rapide mais efficace. J'avais du temps aujourd'hui, mais je voulais m'occuper de plus de chevaux. Mes brosses passèrent une à une sur le corps noir et blanc de l'étalon, qui s'impatientait légèrement. En effet cela faisait longtemps qu'il n'était pas sorti, je n'en avais pas encore eu l'occasion. Je savais qu'Etoly allait lui rendre une petite visite sans doute dans le week-end, moi, je n'avais pas le temps de le faire brouter. Je lui tendis une petite friandise que je jetai dans sa mangeoire et quittai le box, un air mélancolique sur le visage.